Le Noël de Hans
La neige avait, depuis plus d’une semaine déjà, recouvert
les toits des maisons d’Ostende. Les cheminées fumaient. A l’intérieur des
logis, on se préparait à fêter le réveillon de Noël, le lendemain soir et les
gouvernantes s’affairaient de plus belle pour les derniers préparatifs. Les
rôtis, les volailles et les bonnes bouteilles de vin remplissaient les
celliers : On se délectait par avance des bons repas que l’on allait
partager.
Delors, Hans, petit garçon perdu, grelottait, recroquevillé sous un porche. Il
était seul. Il avait toujours vécu seul, dans la rue, ignoré de tous, n’ayant
pour seule ressource que sa débrouillardise qui lui permettait chaque jour de
trouver de quoi manger. Mais ce soir, son courage l’abandonnait. Il n’avait
plus la force de lutter et ses yeux se fermaient lentement, régulièrement,
tandis que le sommeil et l’oubli le gagnaient imperceptiblement.
Mette, Mette la bien portante, aux beaux cheveux courts et
blonds et au visage rieur, connue de tous pour sa gentillesse et son
dévouement, rentrait des course, son panier à la main, lorsqu’elle aperçut le
petit garçon dans son recoin, à l’écart des passants. Elle s’approcha de
lui : « Bonjour… » Hans ouvrit les yeux. « Je
m’appelle Mette, tu as l’air d’avoir froid. Que fais-tu là tout
seul ? » Il la regarda, un peu inquiet, reconnaissant cependant de sa
bienveillance mais ne répondit pas. « Comment t’appelles-tu ?
—
Hans, finit-il par concéder après quelques
minutes d’hésitation.
—
Tu as de la famille ?
—
Non.
—
Tu ne vas pas rester tout seul comme
cela ! Tu vas venir avec moi. Nous fêterons Noël ensemble.
—
Je
ne peux pas.
—
Et pourquoi donc ?
—
Parce que mes chaussettes sont trouées et
le Père Noël ne voudra pas de moi.
—
Mais si ! Le Père Noël aime tous les
enfants !
—
Pas moi. Il ne m’aime pas. Je ne veux pas.
Et il tourna la tête.
Elle n’insista pas et revint peu après avec une petite fille.
« Bonjour
Hans ! » Le regard du garçon s’illumina. « Je m’appelle Kristen.
Si tu veux, nous irons ensemble acheter des chaussettes alors tu pourras venir
passer Noël avec nous.
—
Je ne veux pas aller au magasin. J’aurais
trop honte ;
—
Alors je t’en tricoterai. Mais s’il te
plait, viens avec nous. »
Hans finit par se laisser
convaincre, trop las pour refuser et heureux tout de même que l’on s’occupe de
lui. Il suivit Mette et Kristen.
L’orphelinat se situait non loin de là. Hans y dîna d’un
repas frugal : Il ne pouvait rien avaler. Il dormit très tôt, dans un lit
de fortune, dans une modeste petite pièce. Il ne pensait pas à Noël.
Kristen travailla toute la nuit. Et le matin, au réveil,
elle lui apporta son ouvrage. Soulagé, le petit garçon accepta son cadeau. Mais
il ne se leva pas : Il était trop faible. Alors elle lui
expliqua : « Tu vois, ce soir nous mettons nos chaussettes
pendues à la cheminée, pour les cadeaux. J’en mettrai une pour toi. Si tu
acceptes bien sûr ! » Hans approuva. « Alors le Père Noël
t’apportera un cadeau à toi aussi. Je te laisse, tu es fatigué. Je reviendrai
te voir. » Rassuré, Hans s’endormit peu après. Il se reposa, dormant la
plupart du temps, jusqu’au lendemain matin, jour de Noël.
Le Père Noël était bien passé. Dans une joyeuse cohue, les
enfants de l’orphelinat ouvraient leurs cadeaux. Il y avait des voitures en
bois, des avions, des poupées de chiffon et des friandises en abondance pour
tout le monde. Tous riaient et parlaient bien fort. Le bonheur était palpable.
Hans, accompagné de Mette, s’approcha de sa chaussette. Il y découvrit une clé.
Et comme il semblait un peu décontenancé, Mette lui expliqua : «
C’est la clé de ta nouvelle chambre. Désormais, tu vivras avec nous. Viens, je
vais te montrer le chemin. »
Elle le laissa ouvrir la porte et il découvrit, émerveillé,
pour lui tout seul, une chambre propre avec un vrai lit, une grande armoire,
une grande table et une de chevet plus petite, une chaise et partout, sur le
lit, sur la grande table, par terre, des paquets cadeaux, petits et grands, de
toutes formes et de toutes les couleurs. Puis il remarqua, au-dessus de la
table de chevet, suspendue comme par un fil invisible, une étoile qui
brillaient doucement. « C’est une vraie ? Demanda-t-il à
Mette ?
—
Bien sûr que c’est une vraie.
—
On en a tous une, chacun dans notre
chambre, lui dit Kristen. Entoure-la de tes mains, tu verras. »
Hans enveloppa l’étoile
de ses mains et une chaleur réconfortante envahit son corps. Son esprit
s’apaisa également. Il se sentait rassuré à présent. « Ça fait du bien
n’est-ce pas ? lui dit en souriant Kristen. Maintenant, quand tu auras
froid ou peur, elle sera toujours là pour te réconforter.
—
Allez ! l’interrompit Mette. Assez
parlé ! On va te laisser déballer tes cadeaux. Tu nous retrouveras après,
pour le petit déjeuner. »
Et
elles le laissèrent en lui lançant gaiement « A tout à
l’heure ! ». Lorsqu’elles furent parties, que la porte fut refermée
et qu’il se retrouva seul, une grande inquiétude le submergea
soudain : « Et si tout cela n’était qu’un rêve ? Si tout
disparaissait d’un coup et que je me retrouve de nouveau dans la rue ? »
Alors il se tourna vers l’étoile. Il vit qu’elle était toujours là, flottant
au-dessus de la table de chevet et il se tranquillisa.