La fève
Joseph
était un boulanger à la Alphonse Daudet : Petit, trapu, le ventre portant
bien en avant, les cheveux blanchis par toute une vie passée à manipuler la
farine, il était heureux de vivre et trouvait dans son métier toute la joie
dont il avait besoin. Il vendait son pain avec sa femme dans un quartier de
Lyon et les clients, nombreux et fidèles se pressaient chaque jour dans leur
magasin, remerciant souvent le couple pour la qualité de sa marchandise et de
son accueil. Car ils étaient sympathiques ces deux amoureux. Ce n’étaient pas
vraiment des plaisantins, car ils avaient un peu passé l’âge du calembour, mais
toujours, ils se montraient chaleureux, prévenants et avaient su garder, malgré
le succès de leur affaire, une authentique modestie et une vraie âme d’enfant.
Les clients le leur rendaient bien d’ailleurs. Ainsi, ils n’hésitaient pas à
leur confier leurs joies et leurs peines, leurs réussites et leurs échecs,
trouvant auprès de ces deux affectueuses personnes une écoute attentive et
compréhensive. La boulangère assurait la vente des pains toute la journée
tandis que son mari qui avait travaillé toute la nuit se reposait pendant
quelques heures. Bien sûr, à la fin de la journée elle était fatiguée, mais
elle gardait le sourire, même pour ses deniers clients.
C’est
en fin de journée que passait Pascal. Un garçon taciturne, pas très bavard mais
qui appréciait grandement cette rencontre quotidienne: « Bonjour
madame, vous allez bien ?
— Bien ! et toi ?
— Ça va, j’ai bien travaillé à l’école!
— C’est bien. Je te donne ta baguette et je te mets un croissant de côté pour demain matin ?
— Oui bien sûr. Allez à demain !
— A demain. »
— Bien ! et toi ?
— Ça va, j’ai bien travaillé à l’école!
— C’est bien. Je te donne ta baguette et je te mets un croissant de côté pour demain matin ?
— Oui bien sûr. Allez à demain !
— A demain. »
Il payait son dû et
rentrait chez lui, non loin de là.
Il habitait seul avec son père et sa mère. Ils étaient très
gentils, ne roulaient pas sur l’or, mais la famille avait de quoi vivre
décemment. Le soir ils regardaient la télévision. Pascal avait treize ans et
peu d’amis. Mais c’était des amis fidèles sur lesquels il pouvait compter. Quant
aux filles, c’était bien simple, elles ne le regardaient même pas. Il était
timide, travailleur mais pas très doué et pas bien beau. Cela suffisait à le
mettre totalement hors de la course des prétendants et ça lui faisait de la
peine. Il se désespérait souvent de cette vie de sauvage comme il disait, qui
lui était imposée. Mais il n’avait pas renoncé à trouver une vraie copine même
s’il estimait qu’il n’était pas naturellement chanceux. Mais le temps passait
et la tristesse l’accompagnait.
Le lendemain, tôt le matin, placardé sur la porte en verre
de la boulangerie, il eut la surprise de voir le message
suivant : « Aujourd’hui, dans la galette des rois, fève magique.
A gagner : une journée de rêve. » Il rigola. « Alors Pascal, tu
vas prendre un bout de galette ? lui demanda gaiement la boulangère ?
— Pour avoir une journée magique ? Ah, ça non !
— Tu as tort, allez laisses toi tenter. Tu paieras ce soir.
— Dans ce cas je ne paierais que si ma journée a été magique.
— Entendu. Allez, choisis ! »
— Pour avoir une journée magique ? Ah, ça non !
— Tu as tort, allez laisses toi tenter. Tu paieras ce soir.
— Dans ce cas je ne paierais que si ma journée a été magique.
— Entendu. Allez, choisis ! »
A côté de lui, se
trouvait une jeune fille de son âge. Elle suivait la scène avec attention.
« Choisis bien, Pascal, lui suggéra-t-elle. C’est important ! » Il
prit une part de galette et la dégusta. Dedans il y avait une
fève : « C’est peut-être la fève magique ! S’enthousiasma
la boulangère.
— Sûrement, oui ! répondit-il, moqueur, en haussant les épaules. Je ne suis
— Sûrement, oui ! répondit-il, moqueur, en haussant les épaules. Je ne suis
plus un bébé. »
« Donne-la-moi,
lui dit la boulangère. Je vais la nettoyer. » Il lui remit la fève qu’elle
passa sous l’eau. Elle la frotta bien et la rangea dans un petit sac pour
bonbons. Pascal tendit la main, le récupéra en souriant et le rangea dans la
poche de son manteau. « Et toi au fait, tu veux peut-être une part de
galette ? demanda la boulangère à la jeune fille.
— Oh non, surtout pas. Je ne supporte pas la frangipane.
— Bon ! je m’en vais. Au revoir, A ce soir ! lança Pascal.
— Au revoir ! bonne journée, lui répondit la boulangère.
— Bonne journée Pascal ! poursuivit la jeune fille. »
— Oh non, surtout pas. Je ne supporte pas la frangipane.
— Bon ! je m’en vais. Au revoir, A ce soir ! lança Pascal.
— Au revoir ! bonne journée, lui répondit la boulangère.
— Bonne journée Pascal ! poursuivit la jeune fille. »
Et il se dirigea vers la
porte. Son portable sonna. Il baissa la tête au moment où il mettait la main
dans sa poche pour l’attraper, sans cesser de marcher. Il se prit la porte dans
la figure. « Allo Pascal, c’est Maman. Tu as oublié ta trousse de crayons
sur ton lit.
— Ah flûte ! bon, tant pis j’en emprunterais à quelqu’un. »
— Ah flûte ! bon, tant pis j’en emprunterais à quelqu’un. »
Et il sortit de la
boulangerie en courant pour essayer d’attraper son bus qui passait dans la rue.
Il le rata.
Il arriva en retard à l’école et comme il rentrait dans la
salle de cours, son professeur de géographie lui demanda : «
Alors Pascal, que se passe-t-il ? On est en retard ? On veut aller
faire un tour chez le proviseur ? »
Pris de panique, le jeune
homme mentit et dit n’importe quoi. « C’est le bus qui a crevé j’ai été
obligé de prendre le suivant. Et il y a eu des embouteillages…
— Il n’y a pas que le bus qui est crevé à ce que je vois. Allez va à ta place. »
— Il n’y a pas que le bus qui est crevé à ce que je vois. Allez va à ta place. »
Puis il s’adressa à la
classe : « Aujourd’hui interrogation surprise. Vous me parlerez
de la révolution française. Je vous laisse toute liberté pour aborder le
sujet. »
Il
y eut des soupirs et des protestations. Mais le maître se montra inflexible.
Bien sûr, Pascal n’avait pas révisé.
A
dix heures, la classe avait une heure de mathématiques. Pascal n’était pas bon
en mathématique. En plus, il n’aimait pas cette matière. Alors, il essayait
toujours de se faire tout petit, afin que le professeur ne le remarque pas.
Pourtant, ce jour-là, pour la première fois de l’année, ce dernier l’appela au
tableau. En tremblant, la mort dans l’âme, il se leva et, tel un condamné qui
va à l’échafaud, il monta sur l’estrade. Le professeur lui demanda de lui
rappeler les règles d’utilisation des puissances d’exposants entiers relatifs. Pascal s’embrouilla, bafouilla mais
réussit cependant à en énoncer une. Tout cela ne fut cependant pas très
convaincant et il eut la note de sept sur vingt. « Je sais que tu
travailles lui dit le professeur. Mais il faudra bien un jour que tu ais des
résultats. Je ne pourrais pas être toujours indulgent avec toi. Retourne à ta
place. » La tête baissée, marchant entre les rangés de table des élèves
bien content d’avoir échappés à l’épreuve, il se dirigea vers sa chaise. Drôle
de journée.
L’heure
suivante, il n’avait pas cours. Il se rendit donc en permanence où l’attendait
le surveillant le plus sévère du collège, un boxeur. Avec lui, pas question de
plaisanter : Il vous collait aussi sec. Avec son voisin, Pascal parlait du
denier film qu’il avait vu à la télévision la veille au soir et qu’il avait
beaucoup aimé. Emporté par son enthousiasme, il ne se rendit pas compte qu’il
avait haussé le ton. Le boxeur se gratta la gorge. Pascal ne s’en rendit pas
compte. Puis le boxeur ouvrit le tiroir de son bureau et referma brusquement ce
dernier. Le brusque claquement fit sursauter tout le monde, mais pas le jeune
garçon qui ne s’en aperçut pas et continua à parler de plus en plus fort.
Enfin, le boxeur, de sa grosse voix caverneuse s’adressa à lui. « Pascal
vous êtes collé. Vous viendrez une heure mercredi matin.
— Mais pourquoi ? s’étonna le jeune garçon.
— En plus vous faites le malin. Deux heures. »
— Mais pourquoi ? s’étonna le jeune garçon.
— En plus vous faites le malin. Deux heures. »
Pascal n’osa pas protesté
et accepta avec tristesse et énervement sa punition injuste.
A
midi, il n’y avait que des aliments qu’il n’aimait pas. Il mangea tout de même. Décidément, Il avait hâte que cette journée se termine.
Au
cours de la récréation, il se fit
bousculer par une grosse brute qui lui dit qu’il n’aimait pas les idiots et les
lâches. Pascal se défendit tant bien que mal mais l’autre était vraiment plus
fort. Il se trouva à terre, humilié, sous le regard des filles qui apprécièrent
grandement ce beau spectacle. Pascal se retira dans un coin. Il avait envie de
pleurer mais ne le fit pas. Il était fier.
Puis,
Vers quatorze heures, il se rendit au gymnase pour le cours de sport. Il se dit
qu’il allait enfin pouvoir souffler un peu. Il se rappela alors de la fève
qu’il avait dans la poche et malgré lui il sourit. Ce n’était sûrement pas la
fève magique qu’il avait eu ce matin. Ça, c’était bien la seule certitude qu’il
pouvait avoir dans cette journée ratée. Au cours d’un match de handball, il se
prit le ballon dans la figure et ne s’en étonna même pas. Il eut mal cependant.
Le
soir, fatigué, découragé il monta dans le bus en redoutant que celui-ci ne
prenne feu ou n’explose. Miraculeusement, il ne se passa rien pendant le trajet
du retour. Pascal en conçut quelques craintes et se dit que ce n’était pas
normal et qu’ils allaient avoir un accident. Mais non, il arriva sans encombre
à destination. Il descendit du bus et se dirigea vers la boulangerie. Il poussa
difficilement la porte et faiblement il dit bonsoir à la boulangère. La jeune
fille du matin était là. « Alors, cette journée ? lui demanda la
femme ?
— Eh bien, ce n’est pas ce soir que je paierais ma part de galette. Vous devriez même m’en offrir une autre, pour compenser. C’était une journée horrible ! la pire que j’ai vécu depuis bien longtemps.
— Oh ! c’est vrai ? Pourtant je croyais…
— Tu as du mal choisir dit tristement la jeune fille. Moi, qui n’en ai pas mangé j’ai eu une journée formidable ! Une fille de ma classe, dont la mère est voyante m’a tiré les cartes aujourd’hui. Et elle m’a dit que je rencontrerais bientôt l’homme que j’aimerais. Je suis si heureuse !
— Ah ! ces filles ! pensa Pascal. Toutes les mêmes décidément.
— Tu seras là demain soir, Pascal ? lui demanda-t-elle.
— Oui bien sûr, comme chaque jour, à la même heure.
— Alors à demain. Au revoir Pascal, au revoir madame. »
— Eh bien, ce n’est pas ce soir que je paierais ma part de galette. Vous devriez même m’en offrir une autre, pour compenser. C’était une journée horrible ! la pire que j’ai vécu depuis bien longtemps.
— Oh ! c’est vrai ? Pourtant je croyais…
— Tu as du mal choisir dit tristement la jeune fille. Moi, qui n’en ai pas mangé j’ai eu une journée formidable ! Une fille de ma classe, dont la mère est voyante m’a tiré les cartes aujourd’hui. Et elle m’a dit que je rencontrerais bientôt l’homme que j’aimerais. Je suis si heureuse !
— Ah ! ces filles ! pensa Pascal. Toutes les mêmes décidément.
— Tu seras là demain soir, Pascal ? lui demanda-t-elle.
— Oui bien sûr, comme chaque jour, à la même heure.
— Alors à demain. Au revoir Pascal, au revoir madame. »
Heureuse, elle quitta le
magasin. Pascal ne le savait pas encore mais il venait de rencontrer celle qui allait
devenir, au fil des années, la femme de sa vie.
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