Ces histoires bien sûr sont enregistrées à La Société Des Gens de Lettres, à Paris. Vous ne pouvez donc les utiliser qu'avec mon accord. Merci de votre compréhension.

samedi 2 mai 2015

chez la coiffeuse



Chez la coiffeuse

Dans le salon.
« Bonjour madame Pâquerette ! 
   Bonjour madame la coiffeuse. 
   Alors que fait-on aujourd’hui ? La même coupe que samedi dernier ? 
   Oh oui ! vous me rafraîchissez un peu les pétales, juste ce qu’il faut. 
   Vous ne voulez pas quelque chose de plus dynamique ? de plus jeune, de plus branché ? Par exemple un léger effeuillage qui vous aérerait la corolle ? 
   Oh non ! surtout pas ! A mon âge on ne peut plus se permettre ce genre de fantaisie. J’aurais l’air stupide ! Non… Je veux quelque chose de classique. Mettez-moi en valeur. Vous savez si bien le faire. 
   Mais vous êtes encore jeune, madame pâquerette. Vous êtes toujours dans la fleur de l’âge. A propos comment vont vos petits-enfants ? 
   Ça pousse… »
A ce moment, une superbe créature, à la chevelure d’un rouge flamboyant, entra dans le salon. Consciente de sa beauté, l’air hautain, elle jeta un rapide coup d’œil dans la pièce afin de repérer une digne compagne à qui elle pourrait faire l’honneur de sa conversation. Mais il n’y avait là que madame Marguerite et comble de l’horreur, monsieur Pissenlit, ce quasi clochard, qui vivait parait-il dans un taudis. Non, vraiment, elle n’allait pas se mêler à eux. « Voilà encore cette Pimbêche de Rose. Elle m’énerve avec ses airs supérieurs. Et méchante avec ça ! Elle se prend pour qui ? 
   Oui, elle se croit terrible avec ses épines. »
Rose prit un magazine et s’installa dans un fauteuil. Soudain, On tapa au carreau. Dehors, un groupe de jeunes s’amusait à effrayer les clients. Le chef, un délinquant à la tête blanche en forme de petite clochette faisait des grimaces aux respectables personnes qui se trouvaient à l’intérieur. « Encore cette graine de voyou ! S’emporta la coiffeuse. Ces jeunes muguets sont infréquentables. Ils ne pensent qu’à mal. 
   Ils feraient mieux d’aller bosser ces petits fainéants. Ils pensent peut-être que sans rien faire, ils auront toujours tout dans la vie? Ce n’est pas de la sève qui coule dans leurs tiges mais du poison, reprit Madame Pâquerette. 
   Vous avez raison, reprit la coiffeuse. Puisque la police ne s’en occupe pas, on devrait se faire justice nous-même. On devrait se réunir une bonne fois pour toute afin de prendre les mesures pour régler le problème. Et si on fixait une date ? Disons, le premier mai prochain ? 
   D’accord ! On va leur faire leur fête !
        
       Dans sa cuisine, Joseph achevait le repas qu’il avait partagé avec sa famille. Claire et Delphine ses deux filles remercièrent Hélène, leur mère, pour le délicieux mijoté d’insecte qu’elle leur avait préparé. Joseph n’avait pas quitté son bleu de travail. Il n’avait qu’une heure de pause avant de retourner à la fabrique et préférait passer du temps avec les siens plutôt que de s’occuper de lui. Il avait tout de même enlevé sa casquette. Dans sa petite moustache, restait un bout de viande. « Il faut que tu t’essuies lui dit sa femme. Tu as quelque chose dans la moustache. » Il tendit les bras vers sa serviette et la passa sur son visage. Il se sentait bien, heureux. Il avait réussi à construire une belle vie à lui et à sa famille dans un bon nid douillet ou il faisait bon vivre. Ils ne manquaient de rien et vivaient en sécurité ce qui n’était pas rien dans ce monde vraiment hostile. Chaque jour il se battait pour améliorer son sort et il savait que ses congénères en faisaient de même.  Il était sûr de réussir. Claire demanda : «  Il y a du fromage ? 
   Non, hélas, lui répondit sa mère. 
   C’est dommage, j’en aurais bien mangé un bout. 
   Moi aussi ! renchérit Delphine. »
          Joseph était de bonne humeur. Il avait envie de faire plaisir à ses filles. Alors il se proposa d’aller en chercher chez les voisins d’en face. « Mais c’est dangereux ! S’effraya sa femme. Tu crois vraiment que cela vaut le coup de prendre tant de risques pour si peu ? 
   Allons n’ai pas peur, la rassura-t-il. Je me sens fort aujourd’hui. Je ne risque rien. Tu n’as pas confiance en ton homme ? 
   Si, bien sûr… »
Et il la serra dans ses bras. Il se rapprocha du trou qui leur servait d’entrée. Il prit une grande respiration et se lança en courant.
      
    A ce moment, un petit animal traversa le salon. Il était tout petit par rapport aux gigantesques fleurs et il courait vite.
« Qu’est-ce que c’est que cela ? S’effraya madame Pâquerette. »
Le petit animal essayait d’être le plus rapide possible. Une main sur sa casquette, le cœur haletant, dans sa petite moustache, il criait des paroles inaudibles pour les fleurs afin de se donner du courage. Il avait vraiment peur et se demandait si, comme l’avait dit sa femme, il était bien raisonnable d'affronter de tels danger pour un bout de fromage. Il eut bientôt atteint le mur d’en face.
« Mais qu’est-ce que c’est que cela ! répéta madame Pâquerette visiblement dégoutée. 
   On ne sait pas ce que c’est, répondit la coiffeuse. Ils sont apparus il y  a une trentaine d’années en ville. Au début, ils n’étaient pas nombreux mais ils se sont mis à pulluler. Maintenant, il y en a partout ! C’est une véritable invasion. Si nous n’y prenons pas garde, bientôt ils prendront notre place. 
   Quelle horreur ! s’étrangla madame Pâquerette. Alors il faudra bien s’en débarrasser ! »

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