Ces histoires bien sûr sont enregistrées à La Société Des Gens de Lettres, à Paris. Vous ne pouvez donc les utiliser qu'avec mon accord. Merci de votre compréhension.

dimanche 14 juin 2015

Orion : début...



Orion


         La nuit tombe sur la forêt. Le soleil qui disparaît colore les arbres de ses teintes écarlates. Le silence s’installe. Seuls quelques oiseaux parmi les plus bavards, continuent de chanter. Dans la douceur du soir, ils racontent les aventures de la journée.
« Pirlouit ! Pirlouit ! Savez-vous mesdames, messieurs, que cet après-midi, nous avons reçu la visite d’un petit chat de la ville voisine ? En courant derrière un papillon il s’était égaré chez nous. Ah ! Ces enfants ! Rassurez-vous, Caracal le lynx l’a ramené chez lui.
  Coucou ! Coucou ! Les saumons rentrent chez eux ! Demain ils remonteront la rivière. Cyané, la fée du lac, vous invite à venir admirer le spectacle.
  Qui a vu Odile la tortue ? Son mari la cherche partout. Peut-être s’est-elle retournée encore une fois ?
  On a aperçu des trolls rôder près du puits aux sept pierres. Attention ! »
         Chacun rentre chez soi. On se prépare à passer une bonne nuit, bien au chaud et à l’abri. Dans quelques heures, le peuple des rêves se glissera dans toutes les demeures endormies. Il chuchotera à qui veut l’entendre, de merveilleuses histoires. Là, on deviendra le prince d’un royaume magique. Ailleurs, de fabuleux trésors seront découverts. On mangera de délicieux gâteaux à la crème. Un farfadet osera enfin déclarer son amour à sa bien-aimée.

         Dans sa maison, monsieur Méphilès ne se prépare pas à dormir. Il tourne, il essaie de s’occuper, mais toujours ses pensées reviennent vers sa femme. Mais au fait, le connaissez-vous ? Connaissez-vous sa famille ? Laissez-moi vous la présenter. Monsieur et madame Méphilès sont deux diables, parents de trois enfants, des diablotins. Ils habitent une maison au cœur de la forêt. Monsieur Méphilès est l’un des seigneurs de la région. Sa grande taille, sa couleur rouge, sa force, tout en lui impose le respect et la crainte. Ses mains sont armées de griffes acérées qu’il peut rentrer, comme les chats, et sur la tête, il porte deux belles cornes semblables en tous points à celles des taureaux. Ses colères sont terribles. Quand il se fâche, la forêt entière tremble. Chacun alors se terre en espérant qu’il ne tombera pas dans ses pattes. Pour qui le connaît, il est facile pourtant de savoir s’il faut le laisser seul. Je vous explique : Lorsqu’il est contrarié, d’abord il ferme les yeux et il inspire lentement. S’il est peu irrité, il se détend très vite : Il n’y a rien à craindre. S’il est plus énervé, son souffle devient soupir de déception : Il gronde. Il lui faut déjà plus de temps pour retrouver le calme. Mais parfois, la tempête se déchaîne. Alors il arrache les arbres, à coups de pieds, à coups de poings. Il hurle. Il court droit devant lui, et dévaste tout sur son passage. Malheur à celui qui n’a pas déjà fui !
         Fort heureusement, madame Méphilès est beaucoup plus douce. Aussi, bien souvent, c’est elle qui calme les colères de son époux avant qu’elles ne deviennent dévastatrices. Elle lui ressemble bien sûr. Mais elle est plus fine et moins puissante que lui. Ainsi, ses deux cornes sont plus petites et sa peau rouge paraît moins épaisse. Plus réfléchie, plus tranquille, elle sait garder la tête froide en toute circonstance. D’ailleurs, les habitants de la forêt n’en ont pas vraiment peur. Pourtant, ils l’évitent quand même, car ils savent que non loin d’elle, gambadent toujours ses enfants. Et les diablotins, eux, s’ils vous attrapent, attention !
         Le plus grand a sept ans. Les deux suivants sont âgés respectivement de cinq et quatre ans. Bien entendu, ils se montrent assez turbulents, surtout le dernier ! Le plus grand fait des efforts pour aider son frère à apprendre les bonnes manières, mais il éprouve lui-même tellement de difficultés à bien se tenir que toutes les leçons de morale qu’il peut donner ne servent pas à grand-chose. On n’est pas un petit diable pour rien n’est-ce pas ?

         Ce soir, le diable est préoccupé.
« Tu vas bien ? Demande-t-il à sa femme.
  Oui, oui, merci.
  Tu en es sûre ? »
Madame Méphilès sourit. Elle se repose dans le fauteuil à bascule, au fond de la pièce, face à la cheminée. Sur la gauche de cette dernière, il y a une armoire ouverte et l'on peut y voir du linge, notamment les bonnets des diablotins avec leurs deux petits trous pour laisser passer les cornes. A l'entrée, on trouve une table sur laquelle sont posées quatre tasses qui ont servi à boire le café. Un  feu crépite et éclaire faiblement la pièce. Elle est heureuse. Ce matin, Galien, le médecin de la forêt lui a rendu visite. C’est un gnome, petit et plutôt rond. Sa barbiche, blanche et bien taillée, pourrait lui donner l’honorabilité qui convient aux gens de sa profession, si son gros nez ne le rendait plutôt comique. Une couronne de cheveux gris entoure le sommet de son crâne, rond et dégarni. Pourtant, malgré son air de clown, c’est un excellent médecin, respecté de tous.
Il l’a examinée longuement. Plusieurs fois il s’est gratté la tête, puis il a déclaré : « Madame, j’ai une bonne nouvelle pour vous. Je peux maintenant vous affirmer que la venue au monde au monde de votre enfant n’est plus qu’une question de jours.
  Une question de jours? Comment cela une question de jours ? Ne pouvez-vous pas être plus précis ? s’est impatienté monsieur Méphilès.
  Monsieur, a repris vivement le petit bonhomme, je suis médecin. J’ai été initié dès mon plus jeune âge aux mystères de la vie. Je sais que votre enfant naîtra bientôt. Malgré tout, il m’est impossible de prédire l’heure exacte de sa naissance, et ce, malgré toute l’étendue de mon savoir. La nature seule décidera du moment opportun. Je suis désolé. »
Alors le diable, déçu, dû se rendre à l’évidence : Il lui faudrait attendre.

         Trois jours passèrent au cours desquels le bébé ne se manifesta pas. Enfin, un midi, en rentrant de la chasse, monsieur Méphilès aperçut devant chez lui, le poney du médecin. Cinq balais de sorcières étaient posés le long du mur. Dans la cour, en petits comités, Quelques lutins discutaient et riaient bien fort. Il ne lui fallut pas longtemps pour saisir les raisons de cette réunion. Il se précipita chez lui : « Enfin ! S’écria-t-il, où est-il ? »
Effectivement, l’enfant était né. Il se reposait à présent dans un berceau de bois, au milieu de la pièce, à droite du grand lit de sa mère. En souriant, le diable chercha le regard de ceux qui étaient venus apporter leurs vœux. Très vite, il se rendit compte que quelque chose n’allait pas : « Que se passe-t-il ? Ne devriez-vous pas être heureux aujourd’hui ?
  Mais, nous sommes heureux, lui répondit son épouse. Nous sommes juste un peu bouleversés par l’évènement. Patiente un peu. Nous allons retrouver le sourire ! »
Il s’approchait du berceau et, comme il tendait les mains afin d’attraper l’enfant, madame Méphilès intervint : « Attends ! Tu devrais le laisser se reposer. Il est si petit. Il est très fatigué, tu sais. N’est-ce pas docteur ?
  Oui, oui » répondit doucement le médecin.
Surpris, Méphilès s’arrêta. Il haussa les épaules et suivit sagement les conseils de sa femme. Nul ne bougeait dans l’assistance. Il patienta deux minutes et reprit : « Bien, maintenant il s’est reposé. Regarde, il ne bouge même pas sous les couvertures. D’ailleurs, je ne le toucherai pas.
  Oui, mais…même si tu ne le touches pas, il te sentira ! Tu es si grand, et il se réveillera. Ne veux-tu pas attendre encore un peu ? Il vient de naître. Il est encore très faible. N’est-ce pas docteur ?
  Oui, oui, c’est vrai, répondit celui-ci encore plus doucement.
  C’en est trop de cette comédie ! s’écria Frasquita la sorcière. Je m’en vais !
  Quelle comédie ? s’inquiéta monsieur Méphilès. »
Et comme la sorcière s’apprêtait à quitter la pièce, elle rencontra le regard de madame Méphilès qui la foudroya sur place. Alors elle s’assit dans un coin, sur une chaise, et dit : « Oh ! Rien, rien du tout, je rêvais… »

         Mais il était trop tard. Le diable était près du berceau. Doucement, il souleva la couverture. La surprise le rendit muet et incapable de bouger. Rassurez-vous, l’enfant n’avait pas deux têtes ou cinq bras. Non, non ! Mais le nouveau petit frère était… Comment dire …Plutôt étonnant. ( A suivre...)

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